Déformations et fissures des murs abîmés

MÉTHODES D’OBSERVATION  des murs abîmés

L’observation approfondie de l’édifice permet de lire son histoire de son origine à nos jours, avec les modifications et les réhabilitations antérieures.

En ce qui concerne les murs et en particulier les façades, l’observation approfondie implique le relevé précis :

• des aplombs,

• des déformations des percements,

• de la structure des arcs et des linteaux,

• de l’état des maçonneries du rez-de-chaussée (effets de l’humidité),

• de l’état des sous-sols.

Le relevé donnera également l’épaisseur des maçonneries aux divers niveaux de l’élévation du mur ainsi que la nature et la position des appuis des voûtes, des planchers, des escaliers et des charpentes.

Enfin, l’observation attentive des fissures  murs  dont la lecture est facilitée lorsque les enduits anciens sont encore en place permettra de dessiner un véritable diagramme des déformations, d’en identifier les causes, d’en apprécier la gravité et, en relations avec les autres observations, d’en connaître la composition matérielle, le système constructif et le long processus d’adaptation ou d’inadaptation du bâtiment à son propre vieillissement.

Ainsi, pourront être prescrites, en symbiose avec l’organisation du projet, les techniques réparatrices les plus efficaces.

L’observation approfondie de l’édifice permet de faire un diagnostic précis sur la nature et la stabilité des différentes parties de l’ouvrage.

ORGANISATION THÉORIQUE DES DÉSORDRES

Dès qu’il y a fissure, il y a désordre.

– Certains désordres, certaines fissures sur un mur, ne font qu’exprimer l’ajustement des éléments porteurs du bâtiment à son poids propre, à ses surcharges, à la plasticité du mortier de chaux, aux réactions des fondations, aux modifications de son environnement. Les légers déplacements auxquels correspondent ces désordres signifient qu’il y a eu mobilisation substituant à l’empilage monotone des éléments constitutifs, une réorganisation structurelle cohérente assurant à nouveau la stabilité de l’édifice.

– En revanche, certaines fissures sont celles de désordres évolutifs qu’il importe de bien identifier afin d’en arrêter le cours (étayer un ouvrage particulier rompu, étayer et étrésillonner les percements pour renforcer l’aptitude du mur à se comporter en poutre, étancher la fuite d’un réseau, etc.).

Certains désordres expriment l’ajustement des élémen porteurs du bâtiment aux dioerses modifications de sc environnement. D’autres sont des désordres éoolutifs qu importe d’identifier afin d’en arrêter le cours.

Toujours situées dans les joints lorsqu’il s’agit de maçonneries ordinaires, les fissures expriment les adaptations structurelles du mur à sa propre déformation.

Les fissures  sur un mur correspondent à des ruptures dont l’organisation générale, situation et orientation, permet de lire la nature des contraintes auxquelles le mur a dû s’adapter.

Le diagramme des fissures donne également à lire les réorganisations structurelles internes du mur (translations, rotations, «naissance», d’arcs … ) ou les désorganisations induites par sa déformation.

Dans cette réorganisation du mur, tout semble se passer comme si l’adaptation provoquait dans le milieu antérieurement homogène l’apparition de parties structurelles à relativement forte résistance comme consolidées par les effets des nouvelles contraintes, et contrastant avec des parties de moindre compacité avec des lignes de rupture (fissures).

L’organisation de la réaction du mur à sa propre déformation est créatrice d’une structure interne différenciée de la maçonnerie; cette structure est révélée par le diagramme dessiné par les fissures qui ne sont autres que les fractures provoquées par les efforts de traction issus de la déformation.

Ces ruptures expriment les. légères translations autorisées par la plasticité du mortier de chaux dont la résistance à la traction est inférieure à celle des pierres.

Elles ont donné le jeu nécessaire pour qu’il y ait relâchement des tractions dépassant le seuil admissible et pour que la maçonnerie se réorganise en ne subissant plus à nouveau et pour l’essentiel que des contraintes de compression.

Les fissures des murs correspondent à des ruptures dont l’organisation générale permet de lire la nature des contraintes auxquelles le mur a dû s’adapter.

Cette technique dissymétrique peut être mise en œuvre à la rencontre de 2 murs en T, le mur AB subissant un tassement dans son cours et le mur CD un tassement d’extrémité; en réalisant sur le seul fond 1 uri ouvrage en B.A. formé d’une semelle engravée dans la fondation AB et d’un button harpé dans le mur AB, on peut contenir l’évolution du tassement.

Le sous-œuvre latéral, dissymétrique, est statiquement contestable lorsqu’il est réalisé dans le cours du mur; il a cependant été utilisé avec un bon résultat en suivant le schéma exposé cidessus pour la rencontre de 2 murs.

Enfin, le sous-œuvre latéral a été utilisé avec succès en associant le button à un dallage armé formant le sol intérieur; dallage armé et button ont consolidé le pied de mur sur toute sa longueur et le tassement a été contenu par l’effet de semelle du dallage armé engravé par redans dans la semelle en maçonnerie.

Le tassement est stabilise mais les risques de basculements demeurent

Lorsque les tassements de l’ensemble mur+fondatiollli sont contenus et que la stabilité verticale du bâtiment est assurée, seuls demeurent éventuellement parmi les désordres affectant l’ensemble des murs ceux qui résultent de modifications des aplombs se traduisant par des dissociations entre des parties de murs insuffisamment ou non harpées, entre les murs et les planchers, etc .

• fissures de rupture entre refends, pignons et façades;

• fissures entre deux parties d’un mur en alignement au niveau d’un coup de sabre (appareillage défectueux, rajout tardif ma1liaisonné, alignement vertical de percements rapprochés). La réparation de ces désordres et la mise en état de stabilité de ces faux aplombs vont être obtenues en agissant au niveau des voûtements, des planchers, des charpentes, des escaliers:

• action au niveau des structures horizontales des planchers et voûtements qui vont devoir former des chaînages efficaces;

• action éventuelle en haut des murs par l’exécution d’une arase constituant l’appui de la charpente et contenant sa poussée (panne sablière, arase B.A.).

Les techniques réparatrices de ces désordres sont étroitement associées à celles qui permettent de remédier aUX désordres des voûrements et des planchers tout en créant, à leur niveau, des chaînages horizontauX associant les murs verticaux et les structures horizontales.

Dans un ensemble structurel qui reste globalement déformable, ces associations entre les murs et les structures horizontales ne doivent pas être rigides:

• Le comportement des chaînages doit être en sympathie avec celui des murs; les chaînages ne doivent leur conférer aucune rigidité longitudinale dans un plan vertical.

• La structure traditionnelle du mur doit être respectée pour la mise en œuvre du chaînage.

La rive du plancher formant chaînage ne doit pas être engravée dans le mur car, étant donnée la constitution traditionnelle du mur à 2 rangs d’appareil, l’engravure va nécessairement concerner structurellement la moitié de son épaisseur:

• affaiblissement structurel;

• risque de flambage;

• probabilité d’apparition d’une fissure horizontale favorable à la pénétration des eaux de pluie;

• eaux de pluie accroissant le risque de bouffement d’un mur monté sans boutisses;

• création d’un pont thermique souligné par un spectre en façade.
Le tassement est stabilisé mais des risques de basculement demeurent: la création de chaînages horizontaux associant murs verticaux et structures horizontales dans un ensemble non rigide donne naissance à la dalle mince ancrée par points.

La technique proposée (exposée dans les chapitres Voûtements et Planchers) s’efforce de cumuler les avantages du tirant traditionnel en serrurerie (en améliorant l’ancrage dans le mur) et ceux de l’élasticité du béton armé en dalle mince (en réparant et conservant autant qu’il est possible les planchers existants qui vont en former le coffrage et lui être associé). Des percements dans les refends permettent d’associer les divers corps de bâtiment.

La dalle mince joue le rôle d’autant de tirants qu’il y a de relations 2 à 2 entre les boutisses d’ancrage et les percements dans les refends.

Les clés en serrurerie des tirants traditionnels ne sollicitent, par un effort unidirectionnel, que les seules pierres de mur avec lesquelles elles ont un contact direct et poinçonnable (contact métal pierre sans coussinet durable) ainsi que les pierres qui sont voisines des premières dans le seul sens de la traction exercée par le tirant.

Si la tendance au basculement des murs est évolutive et que l’effort à la clé dépasse la faible contrainte admissible au cisaillement du mortier de chaux, sa rupture relâche la tension du tirant qui n’a plus d’effet sur la stabilité.

De plus, le tirant traditionnel est mis en tension à la pose; le maintien de cette tension est rarement observé, soit parce qu’il y a rupture par cisaillement de la maçonnerie au niveau de la clé, soit, dans le cas des tirants souvent façonnés en 2 parties, parce que le dispositif de blocage n’a pas très bien fonctionné dans le temps. Al’inverse, la technique proposée donne un bon ancrage dans la maçonnerie et une tension permanente sinon constante (variation des charges d’utilisation) de la dalle mince en B.A. exerçant sur la clé d’ancrage un faisceau assez ouvert de tractions convergentes.