Désordres des planchers , poutres et les techniques réparatrices

Les désordres observés et les techniques réparatrices

La fréquente déformation en flèche des poutres n’est pas ici considérée comme un désordre et sera traitée dans le paragraphe suivant : les techniques de renforcement.

Les désordres traités correspondent à une altération des bois d’œuvre sous l’effet des charges, de l’humidité, des champignons, des insectes, etc., qui provoquent des affaiblissements pouvant entraîner la rupture de l’ouvrage.

LE DIAGNOSTIC

Examen de la sous-face du plancher

Dès le premier diagnostic qui va permettre de mesurer la faisabilité du projet, il est nécessaire d’examiner soigneusement les poutres, en particulier à leurs appuis.

L’examen direct est souvent impossible à cause de l’habillage en plâtre ou en chaux des poutres.

• Lorsque cet habillage est en bon état, qu’il présente un intérêt architectural et qu’on souhaite le conserver, l’examen des fissures de son parement va donner d’assez bonnes informations sur l’état de la poutre invisible, de ses appuis et sur l’ampleur des déformations qu’elle a subies.

• Fissures verticales à proximité de l’axe = flèche confirmée par des fissures horizontales vers la fibre neutre.

• Rupture et déformation de l’habillage au niveau de l’appui = mauvais état probable de l’extrémité de la poutre en bois.

EXAMEN D’UNE POUTRE ENROBÉE DE PLÂTRE

• Lorsque l’habillage en plâtre ne doit pas être conservé au cours du chantier, il sera partiellement détruit pour fonder le diagnostic sur l’observation directe.

L’observation directe doit permettre d’identifier la nature du bois (pin ou chêne) et son état de conservation.

Des moyens empiriques simples, comme le nombre de coups de marteau qu’il faut donner pour enfoncer de quelques centimètres une pointe de charpentier, vont permettre d’apprécier la dureté du bois (à faire en particulier au niveau des’ appuis).

Dans le cas où les poutres ont conservé de l’aubier (poutre ronde ou approximativement équarrie), l’enlèvement partiel de l’aubier permet de vérifier que les galeries des insectes ne se poursuivent pas dans le bois.

L’examen devra porter également sur les parties des poutres où sont observées des variations de la couleur du bois (aubier, humidité, champignons … ), et des variations géométriques de son profil (déformation pouvant aller jusqu’à la rupture, poinçonnement sur l’appui au niveau de la pénétration de la poutre dans le mur).

L’examen des fissures du parement de la poutre, l’observation directe de la nature du bois et de son état de conservation, les variations de la couleur du bois ou les variations géométriques de son profil permettent un diagnostic de la sous-face du plancher.

Examen de la surface du plancher

Les défauts de planéité du plancher vont livrer des informations sur ses déformations (flèche des poutres et/ou des solivages) dont le diagnostic pourra être confirmé par l’examen des fissures. Ainsi, les fissures qui suivent parfois les joints des carreaux ou intéressent les carreaux euxmêmes vont permettre de voir les flèches des solivages.

De même, une fissure au niveau de la plinthe va montrer une relative désolidarisation entre le plancher et le mur.

Enfin, le plancher pourra être éprouvé au choc dynamique. La personne faisant le diagnostic se laisse tomber de la pointe des pieds sur les talons et va percevoir les vibrations du plancher. De même que ces vibrations sont diffêrentes suivant que le choc est donné sur les poutres ou sur les solivages, elles sont différentes suivant que la poutre est en bon ou en mauvais état.

Choc dynamique, défaut de planéité, localisation des fissures livrent également des informations au niveau de la surface du plancher.
DÉSORDRES AUX APPUIS

Les désordres aux appuis sont les plus fréquents (ou les moins rares car les appuis sont souvent excellents) au niveau du plancher haut du rez-de-chaussée.

En effet, plus l’appui est proche du sol, plus il risque d’être atteint par les remontées d’humidité.

Les désordres peuvent concerner les appuis des poutres ou les appuis des solivages.

Les désordres aux appuis sont les plus fréquents au niveau du plancher haut du rez-de-chaussée.

Les techniques sophistiquées de réparations des poutres avec des résines et des fibres ne sont citées ici que pour mémoire car, pour des raisons économiques et de savoir-faire, elles ne sont pas encore entrées sur les chantiers deréhabilitation en financement P.L.A.

Appuis des poutres

L’appui peut être restauré sans pour autant remplacer la poutre lorsqu’elle est par ailleurs en bon état.

. La technique la plus simple et la moins coûteuse est celle du corbeau qui, encastré dans le mur, va donner un appui saillant par rapport au parement.

Ce corbeau peut être en pierre ou en béton. La poutre est simplement mise sur étais pendant l’intervention.

La mise sur étais permet de la caler à son niveau d’origine.

Lorsque plusieurs appuis sur un même mur sont dégradés par le pourrissement, il faut:

_ dans un premier temps, rechercher l’origine de l’humidité et l’éliminer;

– puis restaurer les appuis;

_ s’il s’agit des appuis de plusieurs poutres successives, la technique réparatrice la moins coûteuse est probablement de sceller contre le mur une poutre qui permet de recaler tous les appuis défaillants.

Lorsque la dégradation de l’appui intéresse une longueur de la poutre existante telle que le corbeau encastré ou la poutre de rive ne sont plus des solutions réalistes, il demeure possible de renforcer la poutre par des pièces de bois neuves moisant la poutre ancienne.

Ceci est plus économique que le remplacement de la poutre elle-même.

Il faut préalablement avoir soin de bien recaler la poutre à son niveau d’origine.

Appuis des solivages

Lorsque les extrémités des solives prennent appui dans le mur et lorsqu’elles sont endommagées, la solution la plus efficace et la plus économique consiste à reconstituer un appui en scellant contre le mur (après avoir éliminé l’humidité) une poutre neuve qui permet de recaler toutes les solives.
DÉSORDRES EN TRAVÉE

En travée des poutres

La solution la plus économique dont l’efficacité peut permettre de réparer jusqu’à une rupture est celle des moises.

Les moises qui peuvent être en bois ou en métal sont posées sur les parements latéraux de la poutre après qu’ils aient été à peu près aplanis.

En travée des solivages

La solution la plus économique est de remplacer la ou les solives endommagées.

Outre les réparations des désordres localisés, il peut être nécessaire de renforcer l’ensemble du plancher afin d’éliminer les possibilités de flèche et afin d’accroître l’isolation phonique.

Ce renforcement va se faire par la mise en œuvre de matériaux non traditionnels : une dalle mince de béton armé.

Cette dalle de béton armée, coulée sur le plancher existant préalablement dégagé de son revêtement (carrelage + mortier de pose), doit idéalement avoir 4 caractéristiques :

– elle doit être aussi légère que possible afin de ne pénaliser ni les fondations existantes, ni le plancher conservé (5 à 6 cm d’épaisseur);

– elle doit être aussi déformable que possible afin de pouvoir accompagner les quelques tassements que le bâtiment pourrait encore subir (5 à 6 cm d’épaisseur) ;

– elle doit jouer le rôle efficace d’un chaînage et retenir le dévers éventuel d’un mur sans pour autant l’affaiblir par une longue engravure qui risque de le couper en deux;

– elle doit enfin renforcer le plancher et en particulier éviter les flèches qui provoqueront des fissures dans les cloisonnements.

Légère et déformable, cette dalle de béton sera mince (5 à 6 cm).

Les armatures seront réalisées avec des panneaux de treillis soudé (éviter le treillis en rouleau dont les aciers seront toujours mal enrobés). Cette dalle sera ancrée par points tous les 1,5 à 1,8 cm dans les murs périphériques. Chaque ancrage sera en queue d’aronde sur toute l’épaisseur du mur afin de jouer le double rôle d’un tirant et d’une boutisse (cf. chapitre «Murs»).

La dalle mince pourra être coulée directement sur le plancher dont elle doit réduire les flèches et associée à sa structure par des connecteurs. ou

La dalle mince pourra être coulée avec interposition d’une feuille de polyéthylène afin d’être bien séparée du plancher existant. –

Dans l’hypothèse où la dalle mince est connectée au plancher, elle va jouer le rôle d’une dalle de compression sur les poutres auxquelles elle sera reliée.

Dans l’hypothèse où la dalle mince n’est pas reliée au plancher, elle va participer à son fonctionnement suivant un «scénario» dont on peut deviner le déroulement et qu’il importerait de savoir préciser.

Une dalle mince en béton armé permettra de renforcer le plancher existant à condition d’être légère, déformable, ancrée par points pour jouer un rôle de chaînage.

LES DALLES MINCES CONNECTÉES

Principes de réalisation

Les connecteurs seront fixés sur les poutres car les solives n’ont pas une section suffisante. • Les connecteurs sont des pièces métalliques qui devront pénétrer verticalement dans la poutre où ils seront vissés et/collés; des sections de fer tors peuvent être utilisées.

• Les têtes des connecteurs seront solidaires de la dalle mince et éventuellement soudées au treillis métallique.

DALLE ASSOCIÉE

Les connecteurs sont destinés à assurer le fonctionnement en poutre de l’ensemble hétérogène bois-béton (poutre en T); ils sont donc destinés à reprendre en tout ou partie l’effort de glissement théorique; leur répartition devrait être conforme à la répartition de l’effort.

Difficultés de réalisation

– Les connecteurs vont pouvoir être fixés d’une manière relativement simple sur des poutres de section rectangulaire et relativement importante, c’est-à-dire sur des planchers un peu exceptionnels et de relativement grande portée.

Ainsi, la technique du connecteur a été mise en œuvre avec succès à la Charité, à Carpentras où les planchers de presque 8 m de portée devaient comporter des salles ouvertes au public (centre culturel).

Afin de diminuer au maximum la hauteur du

béton, la poutre composite a été complétée par une semelle constituée d’un fer plat engagé à chaque extrémité dans le mur. Les connecteurs en tige filetée traversent la poutre en bois et sont bloqués sur la semelle métallique par des écrous tandis que leur partie supérieure est solidaire du béton armé.

_ En revanche, la fixation des connecteurs semble plus problématique lorsqu’il faut les adapter à des poutres rondes en pin sur lesquelles l’aubier est toujours en place. Dans ce cas fréquemment rencontré, plusieurs problèmes doivent être résolus:

• le percement des trous des connecteurs va être compliqué par la section ronde (trouver la génératrice la plus haute) et par les fissures longitudinales dues au séchage du bois (guider verticalement la perceuse);

• la nature même du bois (fibres longues du pin) et ses fissures de séchage rendent peu crédible la solidarité entre les connecteurs et la poutre. La position des solivages chevauchant la poutre ronde, la présence de l’aubier, la forme ronde elle-même ne permettent pas de réaliser le contact entre le béton et la poutre en bois; l’effort de glissement sera mal supporté par les connecteurs qui se déformeront.

En conclusion, très bien adaptée au cas particulier des planchers dits «à la française», la solution des connecteurs ne semble pas applicable au renforcement des planchers traditionnels courants.

LES DALLES MINCES NON CONNECTÉES

La dalle mince non connectée a été utilisée avec succès pour le renforcement de planchers traditionnels ordinaires dont la portée était inférieure à 5 mètres.

Principes de réalisation

La dalle mince est coulée sur le plancher existant avec interposition d’une feuille de polyéthylène .

• La feuille de polyéthylène est relevée à la périphérie du plancher pour que la dalle mince n’adhère pas aux murs porteurs.

• Tous les 1,5 à 1,8 m, la dalle mince est ancrée dans les murs périphériques par des boutisses en queue d’aronde coulées en béton armé en même temps que la dalle mince.

DALLE DISSOCIÉE

• Lorsqu’il s’agit d’un mur de refend, les dalles minces des planchers voisins sont solidarisées par l’intermédiaire de boutisses coulées en béton armé.

Au moment du coulage, la dalle mince repose sur le plancher existant étayé. Après la prise, les étais sont enlevés et les deux structures parallèles du plancher existant et de la dalle mince vont pouvoir travailler ensemble.

Si on considère isolément les deux structures, on imagine assez bien comment elles pourraient se comporter si elles étaient seules en œuvre: • les poutres du plancher bois travailleraient normalement en flexion entre leurs deux appuis comme le feraient les solives entre les poutres; c’est un système simple dont on sait rendre compte de la stabilité par le calcul;

• la dalle mince serait suspendue par autant de «câbles» qu’il y a de relations 2 à 2 entre les ancrages dans le mur. La dalle mince se comporterait comme une structure tendue dans laquelle les calculs sont mal à l’aise pour rendre compte des contraintes.

Lorsque les deux ouvrages parallèles vont travailler ensemble, dès qu’une charge va tendre la dalle mince, elle va simultanément mobiliser la résistance à flexion du plancher originel. L’infime déplacement de la dalle tendue, dès la pose des cloisons et des revêtements des sols,va organiser la superposition en une structure cohérente dans laquelle chacun des éléments constitutifs jouera un rôle spécifique.

L’association des deux éléments donne un plancher rigide dont la résistance mécanique et les qualités d’isolation phonique sont bonnes. L’expérience le montre mais les calculs ne savent pas très bien expliquer dans quelle mesure et sous quelles conditions la dalle mince peut contribuer à une plus grande indéformabilité du plancher.

UN RENFORCEMENT FRÉQUENT,LEPLANCHER NEUF EN BÉTON ARMÉ

L’analyse minutieuse de l’état d’un plancher ancien est une démarche un peu longue. Les techniques réparatrices et les méthodes de renforcement ne font l’objet d’aucune réglementation. Leur mise en œuvre requiert beaucoup d’obstination.

Combien plus reposante est la solution qui consiste à simplement démolir le plancher ancien puis à le remplacer par un plancher en béton armé. Tous les intervenants sont rassurés et chacun semble accepter le coût élevé de la réhabilitation et les désordres induits par la présence d’une structure rigide, moderne, dans un ensemble structurel traditionnel.

Il reste cependant des cas où la réalisation de planchers neufs est tout à fait obligatoire, soit que les planchers anciens soient irrécupérables ou écroulés, soit qu’ils n’existent pas au niveau où leur présence est nécessaire.

LES DÉPLACEMENTS DE PLANCHERS

Lorsque la différence de niveau entre le plancher existant et celui du projet ne dépasse pas l mètre, lorsque le plancher existant est audessus du niveau du plancher à réaliser, une technique relativement simple permet de descendre le plancher existant traditionnel:

• le plancher traditionnel est mis sur étais,

• des tranchées verticales sont entaillées dans le mur sous les appuis-existants,

• les appuis peuvent être raccourcis au disque pour faciliter le mouvement descendant des poutres,

• les nouveaux appuis sont façonnés au niveau désiré et le plancher traditionnel peut descendre à son nouveau niveau.

Quelques expériences montrent qu’il peut descendre y compris avec ses revêtements de sol : lorsque les solivages prennent appui dans le mur, il faut préalablement les couper et les caler sur un chevron, qui va se déplacer avec le reste du plancher.

Un peu amusante à réaliser, cette descente de plancher est évidemment moins onéreuse que la démolition d’un plancher traditionnel et la reconstruction d’un plancher neuf.