Fondations des bâtiments traditionnelles et modernes

A part quelques remarquables exceptions qui correspondent à des ouvrages exceptionnels, les bâtiments traditionnels construits avant le milieu du XIXe siècle n’ont pas de fondations au sens moderne du terme.

Les fondations modernes sont rigides et indéformables (ouvrages en béton armé).

Elles sont établies à une profondeur où la résistance du terrain a été définie par des essais directs de charge ou par sondage et essai de laboratoire .

Qu’elles soient superficielles (rigoles, semelles, radiers), à grande profondeur (puits, pieux) ou spéciales (étanches, ‘antivibratiles), les fondations modernes sont dimensionnées par un calcul qui met en relation le taux de travail du sol avec le poids propre et les surcharges du bâtiment.

• Simple empattement en pied de mur, en pierres hourdées à la chaux comme l’est le mur, la fondation traditionnelle courante est déformable suivant les tassements du sol support .

Le niveau du sol support est choisi en fonction de la commodité de la fouille et non pas en fonction de sa résistance. Les fondations sont aussi superficielles qu ‘il leur est possible de l’être, suivant qu’il y a ou qu ‘il n y a pas de cave. Les fondations ne sont pas dimensionnées par le calcul.

Ainsi, dès le niveau de leurs fondations, les constructions traditionnelles diffèrent complètement des constructions [li modernes.

Les fondations modernes sont dimensionnées par le calcul. Les fondations de bâtiments traditionnels ne sont pas ‘ ….. dimensionnées par le calcul : elles sont déformables suivant les tassements du sol support.

Les fondations traditionnelles qui ont déjà porté pendant un ou plusieurs siècles et déjà exprimé leurs faiblesses dans les murs en superstructure sont-elles aujourd’hui moins fiables que les fondations modernes?

but de ce chapitre est de proposer une réponse à cette question après avoir examiné les divers types traditionnels fondations des bâtiments.

Divers types de’ fondations

LES RÈGLES ÉCRITES

Deux sources sont utilisées pour citer les «règles» écrites de la construction traditionnelle en ce qui concerne les fondations :

• Des principes de l’architecture avec un dictionnaire des termes propres, Félibien André, Paris, 1690;

• Nouveau manuel complet d’architecture ou traité de l’art de bâtir, M. Toussaint, librairie encyclopédique de Roret, Paris, 1837.

Au milieu du XIXe siècle, M. Toussaint fait les recommandations suivantes :

« Lorsque les fouilles ont donné au niveau des fondations un sable fin et compact, ou du gravier mêlé d’argile, de la terre franche vierge, c’est-à-dire qui n’ait pas été remuée, ou enfin si on a rencontré le tuf ou le roc, l’on peut être assuré que le sol est bon, et l’on peut construire hardiment sur ces sortes de terrains.

Si l’on trouve, au contraire, de la glaise, une terre humide pénétrée par des sources d’eau, du sable mouvant, ou enfin des terres jectices, c’est-à-dire qui ont été remuées ou rapportées précédemment, ces sortes de terrains n’ayant pas la consistance nécessaire pour recevoir le poids dont ils doivent être chargés, il faut que l’art y supplée .•

« Lorsque le sol est bon, il suffit de niveler parfaitement la tranchée de fondation, de poser une assise de libage immédiatement sur ce sol, et d’élever ensuite les murs, comme il vient d’être dit. Si l’édifice à construire n’est pas très élevé, on peut s’abstenir de faire des chaînes en pierre, et même l’assise de libages; il suffira alors de placer en première assise de fondation sur le sol, les moellons de la plus grande dimension que l’on trouvera, et de monter ainsi le mur toujours d’aplomb et de niveau.’

Ainsi, Félibien André et M. Toussaint pensent sensiblement comme Vitruve 1 qui écrivait au début de notre ère:

«Il faut, pour établir les fondations, creuser d’abord la tranchée jusque dans le terrain solide, et les bâtir ensuite avec tout le soin possible, en leur donnant une épaisseur proportionnée à l’importance du bâtiment que l’on veut construire.

S’il arrivait que l’on ne pût pas trouver le bon sol, et que le lieu ne rut composé que de terres rapportées ou marécageuses, il faudra dans ce cas creuser autant que l’on pourra, tâcher d’épuiser les eaux et ficher des pieux de bois d’aulne, d’olivier ou de chêne un peu brûlés, que l’on enfoncera avec des machines, très près les uns des autres; ensuite l’on remplira de charbon les entredeux des pilotis, et alors on pourra bâtir dans toute la tranchée une maçonnerie très solide.’

Ainsi, jusqu’à la deuxième moitié du XIXe siècle, les constructions ont été fondées sur deux catégories de terrains aux limites incertaines, «les bons et les mauvais». Les relations entre la résistance du sol et le poids du bâtiment n’étaient prises en compte qu’implicitement, à partir de l’épaisseur du mur qui variait en fonction de l’importance du programme.

La mécanique des sols ne s’est véritablement développée que depuis un peu plus d’un siècle pour devenir aujourd’hui un des domaines de la science appliquée.