Murs Traditionnelles

Les murs traditionnels ordinaires sont ceux qui sont le plus souvent utilisés dans les architectures domestiques.

Ce sont soit des murs en pierres à double ou simple épaisseur et dont les parements ébauchés sont destinés à être enduits, soit des murs en terre banchée, soit des murs en pierres sèches. Le matériau le plus fréquemment utilisé est la pierre de diverses formes et de diverses grosseurs. Dans certaines maçonneries de galets, des rangs de terre cuite sont interposés.

Les murs traditionnels portent fréquemment les traces de remaniements successifs, et des murs de natures différentes peuvent être superposés ou juxtaposés. Les superpositions n’ont pas toujours été effectuées ni dans un ordre qui semble logique (ex. : mur de pierre à double épaisseur sur mur en terre banchée), ni avec une grande précision (défauts d’aplomb parfois très im portants).

Les murs traditionnels ordinaires, qui incorporent souvent quelques éléments de structure en pierres d’appareil, comportent aussi des structures en bois comme les linteaux, voire des chaînages .entiers, Lorsqu’il s’agit d’un linteau de porte en bois, il est parfois mouluré comme l’est le piédroit ou reçoit le détail de mouluration réservé aux linteaux en pierre dans les architectures plus élaborées.

Murs en pierres maçonnés

Nature des pierres:

Les pierres mises en œuvre sont celles qui sont disponibles à proximité de la construction: pierres calcaires de différentes dureté et perméabilité, allant des moellons aux pierres froides; pierres d’origine volcanique ou métamorphique dans les Maures et l’Esterel. Dans les maçonneries hétérogènes constituées par des pierres de porosité différente, les échanges de vapeur entre l’intérieur et l’extérieur seront les plus importants au niveau des pierres les plus poreuses, qui, si aucune précaution n’est prise au niveau des enduits, donneront un spectre sur le parement fini (voir plus loin, chapitre Les enduits).

Ces pierres peuvent provenir du tri des épierrages des terroirs agricoles, et les galets sont largement utilisés dans les régions où ils abondent (La Crau, Durance, Valensole).

Les pierres peuvent aussi provenir d’une carrière voisine produisant des moellons bruts, des moellons ébauchés et des moellons équarris avec un parement dressé.

Relativement fréquemment, les pierres proviennent de constructions antérieures dont les matériaux sont réemployés (en particulier, les enceintes des villes, et ceci avant parfois qu’elles ne soient déclassées, ont constitué de remarquables carrières pleines d’excellents matériaux prêts à l’emploi).

Souvent montés avec des pierres assez homogènes (nature et taille), les murs traditionnels sont parfois hétérogènes, soit parce qu’ils ont été remaniés (juxtapositions et superpositions de murs différents), soit parce qu’ils sont constitués de pierres très diverses (nature et taille), et même de pierres de Il matte» de chaux (plaques de mortier séché dans les fonds des gamates) et de tessons de terre cuite en calage. Les murs sont souvent hétérogènes, voire hétéroclites et de mauvaise qualité, au niveau des combles où on croit observer parfois le résultat de la mise en œuvre des nombreux déchets et gravats du chantier, comme si rien ne devait être mis en décharge. Il s’agit en général de murs minces, à simple épaisseur (de 15 à 35 cm).

Nature des mortiers

Les murs les plus fréquents sont bâtis Il à chaux et à sable». Expression proverbiale désignant une personne d’une robustesse remarquable. La solidité du mortier de chaux dépend certes de son dosage mais surtout de la nature même du Il sable» qui joue un rôle évidemment très important. En effet, lorque le sable n’était pas disponible localement, ce qui est relativement fréquent, de nombreux substituts étaient employés y compris des marnes pulvérisées et de la simple terre des fouilles. La qualité pauvre et fiable de certains mortiers dont la mise en œuvre justifiée par le prix de revient, parfois normalisée par le langage (des marnières s’appellent encore sablières) et souvent moquée par la désignation du mortier d’agasse (agasse : pie en provençal) ne semble pas mettre en cause la stabilité des murs aussi longtemps qu’ils sont hors d’eau et qu’on n’y touche pas. Dès lors qu’on y touche, comme dans une réhabilitation, ces murs peuvent être tout à fait fiables sous réserve de certaines précautions.

Parfois, on ajoutait au mortier des tessons de terre cuite écrasés et dont la poudre plus ou moins fine avait la réputation d’accélérer la prise et d’augmenter la dureté du mortier qui prenait alors le nom de ciment (mortier de couleur rose) du latin caementa : agrégat tandis que mortier provient de mortarium qui désigne le récipient dans lequel le sable et la chaux étaient mélangés (cf. le mortier des pharmacies et celui des cuisines).

A proximité des gypsières (exploitations traditionnelles du gypse), on observe des maçonneries hourdées au plâtre parfois additionné de sable ou avec un mélange de chaux-plâtre, en particulier pour des murs de refend intérieurs.

Épaisseur des murs

L’épaisseur des murs est variable en fonction de l’appareil en profondeur du mur, suivant qu’il comprend deux rangs d’éléments ou un seul rang d’éléments parpaings.

L’épaisseur des murs est également variable en fonction de la dimention des moellons utilisés. Certains traités traditionnels de construction établissent une relation proportionnelle entre l’épaisseur du mur et sa hauteur mais ne prêcisent pas très bien si l’élancement est calculé par rapport à la hauteur d’un étage ou par rapport à la hauteur totale du bâtiment. D’après Mauremont, cité par Massot (ouvrage cité), dans le cas de maçonneries isolées, Il des observations judicieuses seront fixées pour les murs de toutes espèces, une épaisseur de 1/8e de sa hauteur pour une forte stabilité, de 1/ lOe pour une moyenne et de 1/12e pour la moindre qu’il puisse avoir». Suivant que l’on considère la hauteur totale de la construction (ex. : 9 m de haut donnant pour une stabilité moyenne 90 cm d’épaisseur à la base du mur) ou la hauteur d’un étage (ex. : 3m de haut donnant 30 cm d’épaisseur au mur), on arrive à définir des épaisseurs qui ne sont rencontrées que très rarement, soit dans des murs de commande pour la forte épaisseur, soit dans des murs à un seul rang d’éléments parpaings.

Que l’on choisisse l’une ou l’autre hypothèse, le résultat des calculs n’est pas conforme à ce qui est observé dans les bâtiments existants. Les épaisseurs des murs semblent découler davantage du choix de leur appareil en profondeur (2 rangs ou 1 rang d’éléments et de dimension des moellons) que de règles écrites pour le calcul de l’élancement.

En fait, il semble que la tradition qui n’est pas très gourmande de règles de calcul résout le problème que pourrait poser l’élancement des murs en tenant compte d’autres contraintes:

• La coutume semble être de clore, par des parois Il isolantes» à 2 rangs d’éléments (45 à 60 cm d’épaisseur),les volumes habités quelle que soit la hauteur du bâtiment; en général, seuls les murs de certaines annexes de l’habitation et les murs des combles posent parfois problème). • Les portées des planchers ne dépassent guère 4,5 à 5 mètres dans les constructions ordinaires, les façades sont raidies par des refends et par des mitoyens qui ne sont distants l’un de l’autre que de 4,5 à 5 mètres.
Les façades sont également raidies par les abouts des planchers (enfustages) et dans certains cas (ex.: façades en retour) par des planchers eux-mêmes.

• Les murs de refend et les murs mitoyens ont une plus grande longueur sans épaulement maçonné, mais ils sont contreventés à chaque niveau par les planchers, dont ils constituent en général, les porteurs verticaux.

La tradition semble considérer que tous les éléments constitutifs de la maison jouent un rôle structurel, chacun d’entre eux épaulant l’autre.

Dans les constructions traditionnelles où les murs sont fréquemment d’épaisseur variable, leur superposition est faite suivant un ordre logique qui veut que le mur le plus épais, le plus chargé, soit situé le plus bas. L’amincissement du mur peut être régulier, de bas en haut, et son aplomb extérieur aura un « fruit» d’autant plus marqué que son aplomb intérieur sera plus vertical. L’amincissement du mur peut aussi être effectué niveau par niveau, le parement extérieur demeurant vertical, tandis que les retraits intérieurs à chaque étage forment le niveau de pose des planchers; cette dernière disposition va fréquemment de pair avec l’existence d’un chaînage horizontal. Dans la réalité, cet ordre logique de superposition n’est pas toujours respecté et on voit des bâtiments dans lesquels, au cours d’une modification tardive, un mur double a pu être construit sur un mur simple, un mur en pierre sur un mur en « tapy» (pisé de terre provençal).

mur en « tapy»

Murs traditionnels à double épaisseur

Les murs traditionnels à double épaisseur sont, d’une manière tellement générale, montés sans boutisses (pierres traversantes) qu’on peut considérer que la règle traditionnelle de construction n’en prescrit aucune.

Ces murs à double épaisseur se présentent comme une juxtaposition de deux parements de carreaux dégrossis et dont les parties internes sont plus ou moins au contact, plus ou moins chevauchées.

Ces murs semblent assez vulnérables car ils sont divisables verticalement suivant un plan séparant d’autant plus facilement les deux parements que le mortier utilisé pour hourder la partie centrale du mur est parfois un simple mortier de terre, dit « mortier d’agasse », alors même que les parements sont montés avec un mortier de chaux.

mur double epaisseur

Les murs traditionnels à double épaisseur, généralement montés sans boutisses, sont vulnérables car divisibles suivant un plan séparant les deux parements.

Cette impression de fragilité, le mur se démonte à la main, est en général démentie par l’ancienneté même de la maison, et par l’examen de certains états limites de la stabilité des maçonneries.

Toutefois, les travaux de réhabilitation devront être menés avec une particulière attention et avec des précautions en ce qui concerne certains de ces murs dont la fragilité apparente devient rapidement réelle lorsqu’elles sont horizontales; les saignées devraient être autant que possible évitées car elles peuvent conduire à sectionner un parement et à provoquer l’éboulement de sa partie supérieure. Les saignées assez profondes parfois pratiquées pour poser un plancher préfabriqué en B.A. sont particulièrement dangereuses car non seulement elles ébranlent et risquent de désolidariser un parement, mais elles conduisent à ne mettre en charge que la moitié de l’épaisseur du mur : un léger tassement risque de provoquer de graves désordres dans le mur lui-même.

Murs traditionnels à simple épaisseur

Mur traditionnel à simple épaisseur

Les murs traditionnels à simple épaisseur, dits à appareil simple, ne comprennent dans leur épaisseur qu’un seul rang d’éléments parpaings qui forme les deux parements.

La relative fragilité de ce mur résulte de sa structure de mono-paroi mince, de 15 à 35 cm suivant la nature des éléments constitutifs.

Sa minceur ne permet pas de l’élever sur de grandes hauteurs (élancement), et sa mauvaise qualité isolante fait qu’il a été trés peu utilisé comme clôture extérieure de volumes habitables dans l’architecture traditionnelle; en tant que murs formant clôture par rapport à l’extérieur, le mur simple a été essentiellement utilisé au niveau des combles inhabités et de certaines annexes.

En revanche, parfois renforcé par un pan de bois sommaire limité à quelques poteaux sans poutres, le mur simple est relativement fréquemment utilisé comme un mur porteur donnant un appui intermédiaire aux poutres en bois des planchers. En particulier, dans le cas de cette disposition très fréquente des maisons· où, au niveau du rez-de-chaussée, un vestibule donne un accès direct depuis la rue à l’escalier situé vers la parcelle. Le mur séparant ce vestibule des autres locaux du rez-de -chaussêe est perpendiculaire aux poutres qui portent de mitoyen à mitoyen (de mur maître double à un mur maître double); ce mur séparatif du vestibule est en général un mur à simple épaisseur qui constitue un appui intermédiaire pour les poutres du plancher haut du rez-de-chaussée, et qui isole mieux qu’une simple cloison le local privatif du rez-de-chaussée du vestibule commun. Dans les alignements commerciaux, vestibule et mur simple sont fréquemment supprimés au profit de la surface commerciale du rez-de-chaussée. On perd ainsi l’accès à l’escalier et un appui intermédiaire du plancher qu’accuse alors dans certains cas, une flèche assez importante.

Le mur à simple épaisseur n’était utilisé que pour les combles et les annexes inhabités. Renforcé par un pan de bois sommaire, il est fréquemment utilisé comme mur porteur pour les poutres en bois des planchers.

U ne variante du mur simple apparaît dès le XVIII· siècle et se developpe au XIX· siècle en même temps que progresse la technique du sciage des pierres calcaires tendres dont les éléments produits, «préfabriqués» et réguliers anticipent sur la production des actuels agglomérés de ciment. Les murs utilisant des moellons de sciage sont fréquemment utilisés pour des surélévations, en particulier dans la vallée du Rhône (Avignon, Tarascon, Arles); ils constituent ainsi parfois la clôture extérieure de volumes d’habitation dont l’isolation est très imparfaite.

Régulièrement appareillées à joints maigres, ces maçonneries simples de moellons, dont l’épaisseur varie de 20 à 40 cm environ, se présentent comme une maçonnerie parementée de pierres de taille.

En effet, bien qu’il s’agisse de pierres tendres sensibles aux intempéries, aux pollutions et aux bactéries, ces maçonneries ne sont protégées par aucun enduit extérieur; le parement intérieur est en général enduit au plâtre sur lequel se dessine le spectre des moellons,· souvent souligné par des microfissures et par de véritables fissures, lorsque l’épaisseur du mur est inférieure à une trentaine de centimètres, ce qui est un cas fréquent.

Des débits de sciage très minces ont donné des carreaux dont l’épaisseur est de l’ordre de 10 cm avec lesquels des cloisons intérieures ont été construites, en général hourdées au plâtre.